OSER LA VIE ET LA LIBERTE
Extrait
Enfance et jeunesse
Mes parents m'ont incontestablement accordé une grande confiance. Mon père était un homme courageux, qui avait émigré sans un sou de la région de la Ruhr, après s'être mis en colère parce qu'on lui demandait de travailler les jours des fêtes catholiques. Il vint s'installer en Bavière, région catholique, où il ouvrit un magasin. Ce qu'il m'a transmis, c'est le courage d'oser la vie et la liberté. Ma mère était une femme pragmatique, originaire de la campagne de l'Eifel, et pourvue d'une grande confiance en sa capacité de s'en sortir dans la vie.
Mes parents étaient tous deux très croyants ; mon père lisait beaucoup et ma mère avait la piété des gens qui ont les pieds sur terre. Mon père est mort en 1972 relativement tôt, à 71 ans, avant mon ordination. Ma mère, elle, vécut jusqu'à 91 ans, soit trente ans après la mort de mon père. Elle a continué à évoluer, développant de nouveaux aspects de sa personnalité. Elle n'est pas restée ancrée dans le deuil, mais a, d'une façon nouvelle, repris sa vie en mains.
Mon père aimait la liberté, mais sur le plan théologique il était plutôt «clérical», ne remettant jamais en question l'enseignement de l'Église. Ma mère fut longtemps responsable de l'Association des femmes catholiques. Tous les lundis de Pâques et lundis de Pentecôte avait lieu une célébration oecuménique au temple protestant. Ma soeur lui demanda un jour si nous pouvions communier à cette occasion. Le curé ne voulait pas que les catholiques communient chez les protestants parce que cela n'était pas conforme, théologiquement parlant ; mais ma mère trouvait le pasteur sympathique, et puis, c'étaient aussi des croyants. En vieillissant, elle devenait plus libre, se contentant d'agir selon son coeur, ce qui était pour elle plus important que la théologie.
Je crois avoir sûrement reçu beaucoup des deux ; mes parents étaient toujours là pour leurs enfants. Petit, j'avais l'air timide, peut-être parce que nous étions trop protégés. Plus tard, j'ai ressenti cette confiance et l'amour de Dieu jusque dans les épreuves, grâce aux bases qui ont sûrement été posées dans mon enfance.
J'ai grandi avec six frères et soeurs. Nous avions un grand jardin. Près de chez nous habitaient ma tante et ses six enfants. Nous étions donc une grande famille et nous, les enfants, avons déployé beaucoup d'imagination en jouant. Je suis le quatrième des sept enfants ; j'étais donc parmi les plus jeunes, mais toujours celui qui avait le plus d'idées pour inventer de nouveaux jeux ou lorsqu'il s'agissait de bricoler. À 7 ans, par exemple, j'ai construit un banc ; mais lorsque mon père s'assit dessus, le siège s'effondra. J'avais tendance à expérimenter et à être actif depuis tout petit ; par exemple, à adresser la parole aux gens lorsque nous allions faire des courses. Ma mère se rendait à Munich avec nous deux fois par an pour faire des achats, et c'était moi qui discutais souvent avec les commerçants. Je ne sais pas pourquoi, mais lorsque nous faisions une cérémonie pour enterrer un oiseau, il fallait que je fasse un discours. Cela sautait aux yeux de tous ; je ne sais pas pourquoi ; c'était naturel, je crois.
En y repensant - et les rêves profonds de mon enfance sont un sujet qui m'importe -, j'avais le sentiment d'oser, de ne pas me contenter de faire ce que les autres attendaient de moi, mais d'être actif, d'organiser ma vie, et donc l'envie d'essayer quelque chose de nouveau. Il en a été ainsi depuis mon enfance, je crois.
Notre famille habitait près de l'église. Nous, les enfants, étions tous enfants de choeur, et chaque jour de la semaine nous servions la messe. Pendant les vacances, quand personne d'autre n'était là, notre famille suffisait. Déjà enfant, j'étais fasciné par la liturgie ; je me souviens très bien en particulier de la liturgie de Noël et de la semaine sainte. Me sentir sous la protection de la tradition m'a toujours fait du bien. Comme être auprès de la famille, quand nous célébrions les fêtes dans l'Église.